Pensée de la semaine 14
Au secours la droite est bien là !
Si vous suivez vaguement l'actualité politique française, vous aurez peut-être
noté que la majorité a changé voici quelques mois, donnant l'avantage à la
droite. Ce qui se voit assez facilement. Mais même si vous n'avez pas suivi le
résultat des élections, vous avez pu vous en rendre compte par vous même en
observant un certain nombre de changements subtils mais significatifs dans le
pays.
En premier lieu, le bleu revient à la mode, dans un camaïeu allant du
pastel-gendarmerie au bleu nuit des CRS. Louable souci que celui du gentil
ministre Sarkozy d'épargner à ses concitoyens les affres de l'insécurité
galopante. Comme il semble improbable que de significatives quantités de
fonctionnaires de sécurité aient pu être embauchés et formés en quelques
mois, on peut légitimement se demander ce qu'ils foutaient du temps des
socialistes. Se cachaient-ils ? Timidité ? Mystère de la psychologie policière.
En tout cas, on peut constater qu'encore une fois, les statistiques de la
criminalité ont mystérieusement augmenté lors d'une année électorale, pour
descendre tout aussi mystérieusement dans les mois qui ont suivi l'arrivée de
la nouvelle équipe (-6%). Sans doute les malfrats sont-ils particulièrement
intéressés par la vie politique française pour qu'ils règlent le volume de
leur activité sur le calendrier électoral, où va se nicher l'esprit civique
tout de même ?
Puis, nous nous pencherons sur l'affaire qui a défrayé la chronique, celle de
l'augmentation des ministres. Rappelons que ces très hauts fonctionnaires étaient
injustement brimés, se retrouvant à vivre avec seulement 7800 euros par mois
(plus des frais de représentation), ce qui est bien sûr insuffisant pour se
loger et se nourrir décemment à Paris. Le bon Raffarin est heureusement passé
par là, et a décidé d'octroyer une légère augmentation de 70% à ces prolétaires
de l'État (13300 euros). La polémique est venue de gens aigris vivant en
dehors des réalités du monde, et qui estimaient que ces traitements étaient
largement suffisants. Beaucoup d'entre eux étaient de ces smicards à qui on
venait pourtant d'expliquer qu'à 1000 euros par mois, ils étaient trop bien
payés. Que voulez-vous, la France est peuplée de jaloux, bizarrement envieux
de ceux qui touchent en un mois plus que leur salaire annuel.
Pour combattre la violence qui gangrène la société (sauf quand la droite
revient au pouvoir), le gouvernement a décidé de combattre le mal à sa
source, qui est, comme chacun sait, la télévision ! En effet, tout le monde
sait que nous sommes abreuvés de programmes violents qui incitent la jeunesse
à basculer dans la délinquance et la drogue (car ce sont bien les jeunes qui
regardent le plus la télé qui deviennent délinquants, et pas du tout ceux qui
traînent dans la rue, c'est un fait bien connu). Donc, l'État s'apprête à sévir
en bannissant purement et simplement des antennes (y compris à péage) les
programmes jugés (par qui?) violents et/ou pornographiques. Bien sûr, on
s'attend à des levées de boucliers de la part de beaux esprits hurlant à la
censure, et faisant remarquer que le lien entre télévision violente et société
violente n'a jamais été démontré, et que la pornographie n'a rien à voir
dans l'affaire. Des aigris, vous dis-je.
Et de la même manière, d'aucuns pourront trouver assez curieux que l'on range
les velléités de condamner pénalement les clients des prostituées (reprenant
l'exemple scandinave qui faisait rire par son outrance il y a un an seulement)
dans l'action du gouvernement contre la délinquance.
Notez bien, on ne peut pas en vouloir à la droite d'être libérale et réactionnaire.
La droite ne fait que son travail de droite, caressant dans le sens du poil un
électorat aisé, vieillissant et religieusement marqué. Il n'y a pas à s'en
offusquer, ils ont gagné les élections, ils dirigent le pays, et je leur
souhaite de faire bien. On appelle ça l'alternance politique. Ce qui
m'attriste, c'est que ce retour de balancier vient après des années où, pour
tout dire, le balancier n'était pas allé bien loin dans l'autre sens. La
droite réactionnaire vient au pouvoir après la domination de la gauche
cucul-la-praline. De quelles avancées le gouvernement Jospin peut-il se targuer
dans le domaine des mœurs et de la liberté d'expression ? On a beau chercher,
on ne se souvient de rien.
En revanche, pour reprendre le cas des médias, on se souvient assez
distinctement de l'ère Catherine Tasca, la grande amie (et obligée) de
Jean-Marie Messier, et de son serviteur l'homme "de gauche" Hervé
Bourges. Cette époque accoucha bien sûr de la "signalétique"
anti-violence (et anti-porno, mais le gouvernement de l'époque ne faisait quand
même pas sa publicité là-dessus), mais surtout qui décida, ce qui fut
totalement occulté par la presse aux ordres, que les oeuvres de la dernière
catégorie ne pourraient pas passer à la télévision avant 23H, donc aux
heures où personne ne les verra. Dans le lot des interdits de prime-time, on
trouve des films comme pulp fiction, palme d'or à Cannes... Or, c'est la télévision
qui finance le cinéma Français. Alors mettons-nous à la place de l'acheteur
de film TF1 : pour le même prix, préfèrera-t-il financer le premier film
coup-de-poing d'un jeune réalisateur issu des banlieues, qui sera condamné aux
oubliettes de l'audimat avant même que le premier mètre de pellicule ne soit
tourné, où bien un énième huis-clos intimiste sur le mal-être d'une génération
de jeunes bourgeois parisiens en quête de repères dans une civilisation déshumanisée
(qui ne fera pas merveille au box-office mais remplira gentiment un lundi de
quota "fiction française" sans faire de vague)?
Et bien, ce que je viens de vous décrire, c'est l'œuvre d'un gouvernement
"de gauche". On peut aussi parler de la question du cannabis où,
faute de légalisation à abroger, la droite va logiquement s'acharner sur les
usagers avec un zèle renouvelé. Et encore une fois, je ne leur en veux pas,
ils remplissent le rôle qui est le leur, qui est utile et que je ne leur
conteste pas. ........
On est bien barrés, les amis, c'est moi qui vous le dis.