Des pensées qui  m'envahissent 1

 

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La Camargue

 Après chaque vacances quand je reviens dans la région parisienne où je travaille, je cherche pourquoi mon " pays" me manque ?

Côté Languedoc, la Petite Camargue offre un visage sauvage et reste difficile d'accès. Mais c'est ici que les manadiers élèvent les chevaux et les taureaux. Presque tout le monde connaît cette région marécageuse, ses chevaux blancs, ses flamants roses et son pèlerinage des Saintes Marie de la mer.

Mais derrière ces stéréotypes se cachent des traditions, une culture, un sens de la fête. Une vie dans cet envers du décor que je vais essayer de vous faire partager.

Ici se côtoient les taureaux, les chevaux, les hérons blancs et les hommes.

Voués aux grands espaces, ils vivent dans cette nature sauvage, chacun habitué à la compagnie des autres. Le secret c'est la parfaite entente entre eux.

Et quand on entend trembler le sol du marais c'est sous le galop des taureaux et les cris du gardian enveloppent la manade. Un seul homme gouverne plus de soixante bêtes, il chevauche, vissé à la selle, le torse droit, silhouette de Centaure dans un nuage de poussière." Il faut toujours qu'ils sachent qui est le maître". C'est à cause de la forme de la selle que les gardians adoptent cette position. En effet la selle a un trusquin ( dossier ) rembourré très haut qui permet de rester longtemps assis à cheval sans fatigue. Ce sont les Pujols à Nîmes qui se sont faits les spécialistes des secrets de sa fabrication.

Une manade c'est un peu comme une troupe de théâtre et le manadier en est le metteur en scène. Ces taureaux sont élevés pour participer à des " courses libres ". A cette occasion il porte des cocardes, fleurs ou glands aux cornes et les razeteurs tenteront de s'en emparer. Le taureau est  dressé à ce jeu qui n'est dangereux que pour l'homme.

La manade c'est une harde très structurée, les taureaux n'aiment pas être séparés et le triage qui consiste à isoler une bête pour une raison ou pour une autre, est la base du métier de gardian.

Sans le cheval Camargue, l'élevage ne serait pas possible, car c'est la seule petite monture qui se laisse approcher sans crainte, naturellement par la race bovine qu'elle travaille au corps.

Vous me direz et c'est vrai que ce petit cheval n'a généralement pas vraiment fière d'allure. Il n'en descend pas moins du préhistorique cheval de Solutré. Lui seul se satisfait de maigres herbages, dédaigne l'écurie et peut rester des jours entiers les pieds dans l'eau sans tomber malade. Qu'il se laisse chevaucher à crû n'est pas la moindre de ses qualités car en cas de montée des eaux, il faut faire vite pour déplacer la manade vers des zones sèches, même en empruntant la route nationale, comme ce fut le cas lors de la grande inondation de 1993. Grâce à l'intelligence de leurs montures, quatre cavaliers, qui n'avaient pas eu le temps de seller, conduisirent le troupeau en lieu sûr.

A lui la terre vierge, l'odeur des embruns, les secrets de l'aube, le mystère des marais profonds ; à lui l'écume jaillie des sabots, le vent de flamme dans des crinières et, pour rehausser l'éclat de sa robe, l'incandescence du miroir des eaux bleues. De son enracinement millénaire il tire l'humble soumission à sa terre dépouillée. Il en partage le dénuement, les nuits glaciales, les orages, les tourments et les touffeurs qu'il traverse avec une patiente et muette résignation.
                                                                     
Et d'un climat capricieux il a les subits élans, cheval impétueux dont un ciel vivace et bleu, un vent nouveau, la jeunesse du printemps précipitent le galop heureux. Cheval tout frémissant d'espace à conquérir et de bonheur à prodiguer. Compagnon de l'homme dont les longues solitudes façonnent des goûts simples, il est le médiateur privilégié de ses joies qu'exaltent l'immensité du ciel ouvert à ses rêves et la liberté offerte à ses pas.

Il demeure par excellence l'initiateur à la beauté d'un univers dont les vents, les eaux, les jours et les saisons sans cesse nuancent et recomposent la magnificence et la désolation.

Le gardian, c'est pas un cow-boy, il n'aime pas la comparaison d'ailleurs. Les jours de ferrade quand les anoubles sont marqués, on peut apprécier son geste précis du trident pour culbuter le torillon. C'est en fait à la réaction du torillon à la douleur que l'on voit ses chances de devenir plus tard un cocardier fameux.

C'était le marquis Folco de Baroncelli-Javon qui au début du XX° siècle avait donné  à l'élevage camarguais son visage d'aujourd'hui. Actuellement son beau-fils Henri Aubanel possède la manade la plus réputée de Camargue. Le marquis avait reçu le célèbre Buffalo Bill lors de sa tournée en Europe avec toute sa troupe d'indiens sioux.

On dit même ici que le blue-jean est né à Nîmes, bien que le gardian ne monte pas en jean mais en peau de taupe. Au début du siècle en effet des négociants de Nîmes firent fortune en exportant en Amérique une toile de coutil qui se popularisera au Far West sous le nom de denim, prononciation locale " de Nîmes ". Ce denim existe toujours, mieux connu en France sous l'appellation de jean

Mais c'est le taureau qui est le roi de la région." Lou sanglier" a même une stèle à l'entrée de Cailar.

Ici on n'élève pas que des taureaux cocardiers, on élève aussi des toros de combat. C'est une autre façon de voir les bêtes, le Camargue ne dépasse pas 400kg et 1.30m au garrot, il tient ses cornes en l'air comme un cervidé, il est castré et c'est pour ça qu'il apprend mieux le métier. IL est fin, malin, intelligent et agile !!

               

           

Les gardians encadrent le taureau et le conduisent à travers le village jusqu'aux arènes. L'abrivado ne peut se dérouler sans l'aide du dompteur dit aussi simbeu ou dountaïre, taureau castré qui sert à manoeuvrer la manade qui le suivra aveuglément.
L'opération inverse de l'abrivado s'appelle la bandido (le lâcher). Lorsque le taureau a terminé la course, on lâche le taureau qui est suivi par les gardians jusqu'aux pâturages

Ben voilà, je crois avoir trouvé en partie pourquoi mon pays me manque : pour trouver un pays à la mesure de ses rêves, avec ses animaux en liberté et ses grands espaces, il faut savoir se perdre et en Camargue c'est encore autorisé.

Ce patchwork d'étangs, de marais, de roselières et de pâtures est encore sauvage. Au long des sentiers où l'on voit flamants, hérons et aigrettes, l'air chaud crée d'étonnants mirages.... suite Camargue 2 

Galerie de photos de Camargue

 

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