Pensée de la semaine 15
Des pensées qui m'envahissent | Actualité en images | L'art | Histoires comiques |
Sale mec !
mardi 2 octobre 2001
par Isabelle Alonso
Il s'appelle Houellebecq. C'est un petit bonhomme énervé dont la gestuelle
crispante et la façon qu'il a de téter son mégot avec inquiétude laissent
penser qu'il n'a pas avec son corps les relations les plus harmonieuses. Et
alors ? Alors il écrit des livres, avec ni plus ni moins de talent que
tous ceux qui à chaque rentrée mettent leurs tripes à nu dans les rayons des
librairies. Et ses livres font un carton. Les plumitifs qui font l'opinion l'ont
estampillé génie littéraire ! Les prescripteurs de politiquement correct
adôôôrent ! C'est un grrrantécrivain ! Le macho réseau fonctionne
à plein régime. Le verdict est sans appel : quiconque ose ne pas apprécier
Houellebecq n'est pas moderne et n'y connaît rien en littérature, na !
Bouh ! On tremble !
Sauf que c'est plus
grave que ça n'en a l'air. La dernière cuvée a évidemment donné lieu à un
lancement publicitaire adapté aux circonstances. Promo tous azimuts, télé,
radio, magazines, Monsieur Houellebecq se répand jusqu'à l'indigestion. Ses déclarations
sont complaisamment reproduites. Que vous ayez lu ou pas son livre, vous ne
pouvez rien ignorer des adorations et détestations de notre nouveau leader
d'opinion. Il ne s'agit pas ici de juger le roman de Monsieur Houellebecq comme
le ferait une critique littéraire, mais d'analyser le contenu d'une de ses
omniprésentes déclarations, pour comprendre les sources d'une étrange vénération
médiatique.
Interviewé par
Philippe Vallet sur France Info, le lundi 27 aout 2001 (chronique de 05 :49)
il déclare : Michel Houellebecq : " Je me suis rendu compte que
le tourisme était devenu la première industrie mondiale. Dans le livre, en
fait, c'est une sorte de "plate-forme programmatique" pour rendre le
tourisme sexuel vraiment efficace, moderne et rentable, alors que là c'est
assez... artisanal. Mais il y a des oppositions, oui, il y a des gens qui sont
très contre. Il y a un problème avec des minorités musulmanes, qui apprécient
peu le tourisme sexuel...parce qu'en fait il y a des minorités musulmanes en
Thaïlande, dans le Sud. " Philippe Vallet : ce ne sont pas les seuls
opposants, il y en a aussi dans le monde européen. MH : " Oui, c'est
vrai, mais c'est une des choses qui m'avait poussé à écrire ce livre :
en observant le phénomène sur place, j'ai trouvé que cela ne ressemblait pas
du tout à l'image glauque, sordide et d'esclavage qu'on en donnait. Je n'ai
finalement pas du tout vu ce qu'il y avait de répréhensible, quoi ! Malgré
une certaine bonne volonté... Enfin : j'aime bien m'indigner en général,
mais là je ne voyais vraiment pas de raison... je n'en vois toujours pas.
Alors... ça vous met dans un état bizarre quand on s'aperçoit que tout le
monde décrit comme un enfer vous vous paraît... quelque chose de finalement...
plutôt une bonne idée. " PV : ce livre, comme vos précédents, ne
participe pas de la "pensée unique"... ? MH : " Eh
oui, mais il faut bien être objectif de temps en temps, quoi ! Bon, tout
le monde a envie, dans cette histoire, aussi bien les clients que les filles, en
fait. C'est pas si mal comme profession. Je suis assez pour la prostitution en
Occident aussi, ceci dit. Il y a eu une pétition pour l'abolition de la
prostitution et j'en suis tombé par terre... tellement ça me paraissait, enfin
je ne sais pas... J'avais l'impression que les gens étaient devenus dingues....
Que c'était une idée de dingues ". PV : et parallèlement, Michel
Houellebecq, le monde que vous décrivez est un monde extraordinairement
violent, et là on n'a pas l'air de s'indigner vraiment ? MH : "
C'est très bizarre, on vit dans une société où parfois j'ai l'impression que
les biens sont mieux protégés que les personnes. Bon, il y a une pensée
unique, mais au fond, je ne la comprend pas. Je suis capable de repérer ses
manifestations mais je ne comprends pas comment des idées aussi stupides
peuvent germer : ça doit être une idée de l'homme qui m'est
inaccessible, qui ne correspond à rien pour moi ".
Le discours de
Michel Houellebecq est présenté le plus souvent comme . novateur et subversif.
Novateur, ça veut dire que personne n'a dit ça avant, ou pas comme ça.
Subversif : au point que la société en tremble sur ses fondations !
Dans quel contexte ce panégyrique des bienfaits de la prostitution prend t’il
place ? A l'heure où
Il s'agit
d'institutionnaliser le système prostitutionnel, qui allie les intérêts des
proxos, des clients et de l'État, au préjudice des femmes. Il s'agit de légitimer
la prostitution. De rendre plus confortable l'activité de ceux qui l'organisent
et en tirent des profits colossaux. De renforcer encore la loi du plus fort. A
l'heure de la mondialisation des marchés et de la marchandisation du monde, le
corps des femmes reste ce que le patriarcat en a toujours fait : une
marchandise, un produit comme les autres, parmi d'autres, à la disposition des
hommes. De ceux qui consomment, de ceux qui encaissent, de ceux qui laissent
faire. La légalisation de la prostitution serait une énorme régression pour
les femmes et une gigantesque victoire pour le patriarcat . Malheureusement
aujourd'hui le principe en est d'ores et déjà acquis. Ça s'appelle un
backlash. Un terrible backlash.
Pour contraindre les
prostituées, on a toujours utilisé la violence la plus barbare. Mais pour
convaincre l'opinion et les parlements , on utilise le langage. Ça fait pas de
bleus au corps mais ça laisse des traces dans les esprits. Le piège est là.
Et c'est là que Houellebecq leur devient utile. Les proxos et ceux qui parlent
en leur nom disent : " liberté de disposer de son corps ". Ils
ont volé cette expression, récurrente chez les féministes à l'époque où
elles réclamaient le droit à l'avortement et à la contraception, pour
justifier leur liberté à eux de disposer du corps d'autrui. Ça s'appelle de
la falsification. A cela nous répondons : notre corps NOUS appartient, et
à personne d'autre.
On nous parle de
" liberté de vendre son corps ". On dit : on peut bien vendre
son sexe comme on vend sa force de travail, comme on loue son temps au patron,
c'est une question de liberté individuelle. Sauf que la prostitution, ce n'est
pas une femme qui vend son sexe. C'est un homme qui achète de la domination, au
profit d'un autre homme. C'est de LEUR liberté d'acheter qu'ils parlent. Pas de
NOTRE liberté de choisir.
On dit : "
Il n'y a pas à juger. Tout est possible entre gens majeurs et vaccinés ".
Toujours au nom de la liberté, of course, vous aviez compris ! Majeurs et
vaccinés ? Mais si pas majeurs, pas bon, vous suivez le raisonnement ?
Tartufe pas mort. Devinez comment il s'appelle aujourd'hui (ça commence à
Hache et ça finit à Q !) et écoutez le nouveau discours de la morale à
la mode : la prostitution c'est génial, la pédophilie c'est atroce. Alors
ça commence quand, le côté génial de la chose dans les bars de Thaïlande ?
A 11 ans, quand la fille a ses premières règles ? A 13 ans, quand ses
parents sont prêts à la vendre pour quelques bahts ? Quel âge avaient
les filles dans le reportage tout sourire sur Pattaya, diffusé dans l'émission
de Guillaume Durand ? Depuis quel âge souriaient elles au client ?
Seize ans ? Bouh ! Dix huit ? Formidable ! " Majeurs et
vaccinés " ça veut dire, une fois de plus, que si ce sont les femmes et
seulement elles qui sont victimes, alors, n'est ce pas, c'est moins grave. Il
n'y a aucune logique à se scandaliser de la pédophilie, et vanter la
prostitution. Un être humain réduit à un objet sexuel contraint et forcé,
sans défense, n'a pas d'âge.
Michel Houellebecq
est un être simple et frais : il voit les petites prostituées asiatiques
sourire, il en conclut qu'elles sont heureuses ! Il ne voit pas ce qu'il y
a de " répréhensible " ! C'est
Disney land ! Alors il joue les haut-parleurs. Porte parole des
mafias proxénètes en toute bonne conscience, il encaisse les droits d'auteur
de la parole patriarcale. Gageons que le côté " répréhensible " de
la prostitution lui apparaîtrait comme une révélation s'il se retrouvait un
jour, une heure seulement dans le rôle non pas du client (ben oui, s'envoyer
une jeune asiatique souriante, il voit pas ou est le problème !) mais de
la prostituée. C'est à dire de livrer un de ses orifices (même les grands
esprits en sont pourvus !) : bouche, anus, l'un ou l'autre, voire l'un
et l'autre, à la pénétration d'une bite de passage, sans désir, sans affect,
et souvent sans hygiène, pour quelques dollars. De quoi ne pas crever de faim.
Et une torgnole en cas de mauvaise volonté. Est ce que ça émousserait
l'enthousiasme de Monsieur Houellebecq pour le " tourisme sexuel " ?
Et tout ceux qui fantasment avec lui sur les plateaux de télé sur le thème :
la prostitution, un métier comme les autres, envisagent ils la carrière pour
leur fille, leur sœur ou leur épouse (pardon pour elles) ? Qui iraient
sucer des bites au Bois de Boulogne ou à Pattaya ? Et à quand des écoles,
une vraie formation ? Des licences de location vaginale ? Un DESS
fellation ? Un doctorat ès sodomie ?
Menu | 1 -2 -3 -4 -5 -6-7 -8-9 -10-11-12-13-14-16-17-18-19-20 |