Les pensées qui m'envahissent 15

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Cachez ce gland que je ne saurai voir

Le phallus dans la Grèce antique

Une réflexion sur le sexe masculin, et plus particulièrement sur le phallus ( membre en érection ) dans l'iconographie antique, fait naître des sourires qui laissent entendre que bien sûr les Grecs sont de grands habitués à la chose.

En fait l'homme grec, à l'image des dieux et de ses héros, s'exhibe volontiers nu dans les activités qui mettent en valeur ses qualités physiques. Son sexe est exposé comme n'importe quel autre organe du corps.

Le membre viril s'illustre de plusieurs manières dans l'imagerie : petit pénis, grande verge, attribut circoncis, sexe en érection, phallus calotté.... Les possibilités sont multiples; mais elles ne sont pas porteuses du même message

De tout petit phallus pour être politiquement correct :

Sur le fond d'une coupe on peut observer un jeune coureur casqué et armé de son bouclier qui s'élance. Son petit sexe apparaît entre ses jambes, à peine plus épais que les doigts de sa main droite. Un petit organe est l'attribut de la jeunesse comme de l'âge adulte. En effet l'éducation du grec lui commande : Si tu fais ce que je te dis et y appliques ton esprit, tu auras toujours la poitrine robuste, le teint clair, les épaules larges, la langue courte, la fesse grosse, la verge petite.

Ainsi en tant qu'attribut de l'adolescent qui incarne l'idéal grec de beauté, un petit organe peut être un ornement esthétique et aimable entre tous. Mais il est aussi intimement lié au bonnes mœurs et à la modération qui doivent caractériser l'homme issu d'une telle éducation : le citoyen.

Une petite verge est donc politiquement correcte et esthétique : elle est l'attribut du citoyen, car représentative de ses qualités morales; elle est l'attribut de l'homme, car emblématique de sa beauté, de sa force et de sa jeunesse.

                                                                

Les gros............

Licence de mœurs

Celui qui se laisse attirer par les mœurs du jour et par l'influence d'Antimachos l'efféminé :

Mais si tu pratiques les mœurs du jour, d'abord tu auras le teint pâle, les épaules étroites, la poitrine resserrée, la langue longue, la fesse grêle, la verge grande, la... proposition de décret longue.

Par mœurs du jour et influence d'Antimachos, il faut entendre homosexualité qu'Aristophane fustige lorsqu'elle offre un rôle passif à l'homme. De fait, un tel comportement est souvent assimilé à la prostitution et sanctionné par l'atimie ( retrait des droits civiques ) lorsqu'un citoyen est reconnu coupable d'avoir offert son corps en échange de faveur.

                                                                

Un grand sexe .....

Un grand sexe est le signe d'un personnage jugé licencieux et, par conséquent, indigne des valeurs civiques.

Vieillards, pygmées et nains

Un petit pénis est civil ! Un grand ne l'est pas. Cela sous-entend que les individus représentés avec de gros organes sont incompatibles avec les règles de savoir-vivre de la société grècque. Qui sont-ils? Il y a d'abord Géras, personnification de la vieillesse décrêpie, figuré sur plusieurs vases face à Héraclès. Sur une amphore, il est représenté comme un petit vieillard chétif, dont la fragilité et la nudité contrastent avec Héraclès. Or, son corps malingre est pourvu d'un sexe énorme pendant entre les jambes.

Viennent ensuite les pygmées et les nains : grosses têtes, fronts parfois dégarnis, troncs larges, petits bras et jambes raccourcies, ces personnages n'ont rien de la prestance du héros. Ors, certains d'entre eux sont justement pourvus d'un gros sexe.

Cependant lorsque le pygmée incarne l'étranger et le sauvage, le nain, lui s'intègre dans le tissu urbain. Il y est toujours nu, contrairement aux hommes et aux femmes qu'il côtoie. L'imagerie le représente parfois avec les attributs de l'homme libre tel que le bâton, un vêtement sur l'épaule ou une couronne ; dans ce cas, son sexe se fait tout petit.

Mais il existe d'autres cas ou un nain est pourvu d'un grand organe : sur une oenochoé, un nain, le regard rivé au sol, lève les deux bras et la jambe gauche dans une sorte de danse, révélant ainsi son grand pénis entre ses cuisses.

Circoncision

Dans l'image attique, un seul vase à recours à la circoncision pour désigner les servants du pharaon. Cependant ce détail est perceptible sur d'autres personnages, généralement petits et extravagants. Pourtant on peut se demander si le sexe circoncis n'est pas là pour accentuer la caricature d'un corps incongru mis en scène pour faire rire, tant il est contraire aux valeurs physiques grecques.

Norme ou dégénérescence

En somme, dans l'imagerie des mythes, une longue verge caractérise les êtres humains dont le corps est en dégénérescence et dont la nature va à l'encontre des idéaux grecs : vieillesse décatie contre force et jeunesse, sauvagerie contre civilisation.

Dans l'espace de la cité, un grand pénis appartient à des personnages hors normes, caricaturaux, dont le corps ou l'activité ne sont pas réglementaires ou politiquement corrects. De plus, ces mêmes individus peuvent être dotés d'un organe circoncis, qui souligne encore plus leur différence et probablement leur appartenance à une autre ethnie ou à une classe sociale inférieure.

Le phallus, s'il se manifeste aussi par une grande taille n'est pas à considérer de la même manière qu'un long pénis, celui ci étant l'attribut d'un homme débile. Ce n'est pas le cas du sexe en érection, qui exalte plutôt la puissance de la virilité offensive et concerne par conséquent les valeurs officielles ou fantastiques générées par la cité, à savoir le citoyen et le satyre. Sa grande taille tient de l'excès qui s'attache à certaines représentations défiant joyeusement les lois du raisonnable.

Sur le vase François, les satyres qui suivent le mulet, partagent avec celui ci les jambes d'équidés et l'exhibition d'une érection triomphale. Ils possèdent un phallus dont les caractéristiques sont bien humaines. Le premier d'entre eux, en particulier, affiche un membre qui se manifeste par la rétraction du prépuce, souligné par deux traits, et l'exhibition du gland.

Sur un amphore de Berlin, un satyre, qui emporte une ménade dans ses bras, est également muni d'un phallus enthousiaste, au gland particulièrement proéminent. Cette représentation du phallus, dont les particularités sont réalistes en dehors de l'exagération satyrique, est la norme dans la majorité des images à figures noires.

....... à l'organe démocratique

Or un satyre d'une péliké de Londres présente un phallus qui contrairement à une figuration réaliste de l'érection, semble conserver son prépuce. Cette particularité est une nouveauté en figures noires. Jusque là, l'érection masculine ne cachait rien et exposait son gland. Or ce temps là est révolu. Le réalisme n'a plus cours, le gland est occulté par le prépuce qui désormais, va terminer l'érection dans la majorité des images présentant ce phénomène.

Gland et animalité

Il y a donc eu un changement de perspective dans la représentation du phallus dans le dernier quart du 6° siècle avant J-C. Le gland est devenu indésirable, ce dont se fait l'écho Hérodote quelques décennies plus tard, lorsqu'il déplore la circoncision sous prétexte que le gland est inesthétique. Cela signifie que le gland apparent sur un sexe circoncis ou sur un phallus réaliste est pareillement déconsidéré.

En fait le gland incarne l'animalité qui sommeille en l'homme et se révèle dans l'excitation sexuelle. L'érection est une manifestation du corps qui place l'instinct avant la raison. Or le citoyen doit pouvoir garder le contrôle de lui même n'importe où, préservant les plaisirs de la sexualité à sa vie privée.

L'érection est ici assimilée au vaincu, mais il s'agit d'une métonymie pour signifier la soumission au vainqueur par le biais d'un sexe décalotté, jugé inesthétique et avilissent, qui devient ainsi l'emblème de la défaite en même temps que celui de la disgrâce.

Désormais le phallus sort couvert et peut être de cette façon considéré comme dompté, domestiqué, civilisé. Le phallus calotté appartient définitivement à l'identité du citoyen.

 

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