Des pensées qui
m'envahissent 5
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J'ai retrouvé les Nouba !
Je suis fascinée par cette ethnie mythique, malgré la guerre qui a ravagé le Soudan leur culture est toujours vivante.
Au commencement, il y a une photo. Un colosse nu au crâne rasé, un anneau à l'oreille gauche, lutteur triomphant juché sur les épaules d'un de ses pairs. En prenant ce cliché, George Rogers a déclenché en 1949 une vague de passion pour les Nouba.
C'est une ethnie perdue au coeur des montagnes du Soudan. Des rois nus aux corps d'athlètes, " de statures gigantesques, avec des têtes rondes comme des boules, marquées par des sourcils très forts, un peuple aimable et heureux, peu coléreux et prompt à sourire"
Comme beaucoup j'avais envie de savoir si là bas tout avait changé. Je ne suis pas allée dans la boue jusqu'aux genoux, marcher dans les marécages infestés de serpents et de scorpions mais Jack Picolo l'a fait pour moi !
Au sommet d'une colline, paisiblement assis sur de gros rochers ronds, les Noubas guettent son arrivée.
La vie coule paisible, loin de la guerre qui tonne à quelques collines de là. Nous sommes en 1999. Les adultes travaillent aux champs, surveillent leurs quelques vaches et ramènent l'eau dans de grandes calebasses. Les femmes pilent le grain. Les enfants jouent. Après la bouillie de mil du déjeuner, les heures chaudes se passent à l'ombre d'un arbre.
Le village s'appelle Aldo, peut être 200 habitants, il est constitué de groupes de maisons traditionnelles : cases de terre à toit de chaume, rondes, sur un soubassement de pierre, groupées par complexes de cinq ou six. Chaque " château de maisons " abrite une famille. Un homme peut avoir plusieurs femmes, à condition de bâtir ce complexe de cases à chacune. Il faut être riche et travailleur.
Des silos à l'ouverture ronde servent de grenier à grains. Lorsque ce grenier est plein, l'ouverture est fermée pour que les animaux n'y pénètrent pas. Les Noubas sont des agriculteurs sédentaires. Ils cultivent essentiellement du mil, consommé en bouillie et sous forme de bière ( la maria ), plus un peu de sésame, des haricots et du tabac. Ils élèvent quelques vaches pour leur lait plus que pour leur viande.
Battements des tam - tams, rugissement des trompes en corne d'antilopes, sifflets.... La tension monte parmi les spectateurs. le cercle mouvant de la foule se rapproche du combat et ne reflue que devant le bâton menaçant d'un ancien lutteur devenu arbitre. Les combats suscitent les passions. Ces tournois de lutte sont organisés lors des occasions importantes. Interdits par le gouvernement de Khartoum, ils sont aujourd'hui un défi à l'autorité autant qu'une manifestation de la tradition. Les Nouba pratiquaient trois types de lutte : à main nues, au bâton ou avec un bracelet de cuivre tranchant. ce dernier genre de combat était déjà exceptionnel au début des années soixante dix, il semble aujourd'hui disparu.
Les affrontements sont violents, rapides comme un combat de rue. L'avant bras gauche protégé par un bouclier de bois, un lutteur pénètre dans le cercle, lance un défi que l'arbitre agrée ou pas. Pas question de laisser se dérouler des combats trop inégaux. une fois les deux adversaires face à face, les coups fusent, vifs. Le duel ne cesse qu'avec l'immobilisation au sol de l'un des deux lutteurs et la danse triomphale de l'un. Comme fou, le public hurle des encouragements, tape du pied ou bat des mains, excité par un lutteur grimé, portant perruque, qui danse dans l'arène. Malgré la chaleur de plus de 30 degrés, et la poussière qui brûle les gorges, les lutteurs enchaîné^rent les combats tout l'après midi.
L'histoire tourmentée des Nouba
Environ 500 000 Nouba peuplaient la province de Kordofan au centre du Soudan, au début des années 80. Quelques milliers d'entre eux vivaient toujours d'une manière traditionnelle, dans les montagnes. Leurs ancêtres s'y sont réfugiés il y a deux à trois cents ans, fuyant les trafiquants d'esclaves.
En 1983, le pouvoir de Karthoum, représentant le nord arabe et musulman, décrète l'application de la charia islamique sur tout le territoire. Le sud, animiste et chrétien, s'enflamme. L'armée de libération du peuple Soudanais déclenche une guerre civile. En douze ans de conflit les Nouba ont été pris entre trois feux : l'armée gouvernementale, les milices arabes armées par Karthoum et les révolutionnaires. En 1991, l'organisation de défense des droits de l'homme Survival International dénonçait des arrestations arbitraires, disparitions et exécutions sommaires imputables aux troupes gouvernementales et aux milices et qui tendaient vers une éradication de la culture nouba. Les révolutionnaires ont également pratiqué une politique musclée pour recruter des partisans chez les Nouba.
Dès 1996 Karthoum a contrôlé le nord des monts Nouba, autorisant au compte gouttes quelques organisations humanitaires à rejoindre des villages de la paix. crées pour reloger les Nouba déplacés. Les villages de Kau, Niaro et Fungor, popularisés par la photographe Leni Riefenstahl, sont passés du côté du gouvernement après avoir été attaqués par les rebelles, abandonnant leurs traditions jugées barbares par les fondamentalistes musulmans. Les révolutionnaires maîtrisent une zone au sud des monts. Les razzias menées par les troupes de Karthoum, qui brûlent les récoltes et tuent le bétail, ainsi que l'impossibilité pour les organisations humanitaires d'y accéder, ont rendu les conditions sanitaires et alimentaires extrêmement précaires dans les monts Nouba.
Le 19 janvier 2002 était signé au Bürgenstock
(NW) l'accord de cessez-le-feu couvrant la région des Monts Nouba. L'accord a
été négocié entre le Gouvernement de la République du Soudan et le
Mouvement de libération du peuple soudanais dans les Monts Nouba grâce
à la médiation conjointe des Etats-Unis d'Amérique et de la Suisse.
(chef de la délégation
M. Mutrif Siddig Ali Nimmery à droite) et le Mouvement populaire de libération
du Soudan (délégation conduite par Commander Abdul Aziz Adam El Hilu
à gauche) en présence du Colonel Cecil Dennis
Giddens (au milieu à gauche) et l'Ambassadeur en mission spéciale pour la
gestion des conflits, M. Josef Bucher (au milieu à droite) qui dirigeait l'équipe
de médiation helvéto-américaine.