Des pensées qui
m'envahissent 6
Le mystère des pyramides
La pyramide de Khéops.
Depuis l'antiquité
grecque, l'humanité n'a cessé de se poser des questions sur cette unique
survivante des sept merveilles du monde. À quelle fin, fut-elle construite? Si
c'est un tombeau, pourquoi n'y a-t-on jamais trouvé ni symboles, ni attributs
royaux, ni momie royale? Et comment fut-elle édifiée?
Étant donné les techniques des bâtisseurs de l'époque, comment
expliquer l'admirable précision de sa construction, son orientation presque
parfaite par rapport aux quatre points cardinaux. Si, dans sa conception même,
la Grande pyramide matérialise des notions mathématiques et astronomiques
complexes, comment ses constructeurs ont-ils acquis ces connaissances tellement
en avance sur les autres civilisations? Ce monument posséderait-il des pouvoirs
surnaturels, au-delà de la science?
Si les archéologues s'intéressent à cet édifice d'un strict
point de vue historique, les autres chercheurs peuvent généralement se classer
en trois écoles de pensées. La première, et la plus répandue, affirme que la
pyramide de Khéops représente un système universel de mesures et que ses
dimensions mêmes immortalisent des archétypes d'unités de longueur, voire du
temps. La deuxième école considère la pyramide essentiellement comme un
gigantesque cadran solaire et comme un observatoire astronomique. Enfin, la
troisième école, plus aventureuse, spécule que la forme pyramidale pourrait
mystérieusement contribuer à la croissance des plantes, prolonger la
conservation des aliments et même affûter les lames de rasoir usées.
Enigmatique et majestueuse, la pyramide de Khéops surgit du
plateau de Guizèh, à
une quinzaine de kilomètres du Caire. Les chiffres ne peuvent donner qu'une
faible idée de sa taille gigantesque: 5 ha de surface à
la base, 2,3 millions de blocs de calcaire, en moyenne de 2,5 tonnes chacun.
La Grande pyramide et les autres qui se dressent à proximité sur le plateau
furent construites au cours de la période égyptienne dite de la IVe Dynastie,
entre 2613 et 2494 avant notre ère. Le premier à avoir étudié la pyramide
fut l'historien grec Hérodote. Il se rendit à
Guizèh, au Ve siècle avant notre ère, la pyramide avait alors déjà deux
mille ans, et il décrivit la construction d'après ses entretiens, sur place,
avec des égyptiens. Il ne put pénétrer à l'intérieur (l'entrée était cachée).
Ce n'est qu'en l'an 820 qu'un Arabe, Al-Mamum,
trouva l'entrée de la pyramide. Après avoir pénétré la pyramide, lui et son
équipe furent arrêté par des blocs de granite. Ils percèrent les blocs
voisins de calcaire plus tendre. Ils se trouvèrent dans un couloir montant et
fort bas, que coupait, en haut, un passage horizontal. Après avoir visité la
pyramide, ils ne trouvèrent qu'un sarcophage vide dans la chambre du Roi. Ou
bien ce sarcophage vide était tout ce que cette chambre n'eût jamais contenu,
ou bien des voleurs l'avaient pillée depuis longtemps. Mais, s'ils s'étaient
introduits aussi avant dans la pyramide, comment avaient-ils fait pour franchir
les blocs de granite?
Pour conclure sur la pyramide, il serait intéressant de parler de
la malédiction de Toutankhamon. En novembre 1922, après quinze ans de fouilles
dans la Vallée des Rois, au sud du Caire, l'égyptologue Howard
Carter, accompagné de son commanditaire George
Edward Herbert, comte
de Carnavon, descella l'entrée d'un tombeau souterrain et mit au jour un
admirable ensemble de vases, de chars, de trônes et de bijoux: le trésor funéraire
du pharaon Toutankhamon. Mais le triomphe des
fouilleurs n'alla pas sans difficultés. Des hiéroglyphes, disait-on, menaçait
de vengeance les profanateurs. Un cobra, symbole égyptien de royauté, dévora
le canari de Carter. Les fouilles se poursuivirent néanmoins toute l'année
suivante, jusqu'à ce qu'on découvrit la chambre renfermant le sarcophage même
de Toutankhamon. Mais lord Carnavon n'était plus là
pour le voir: il avait succombé, quelques mois plus tôt, à un empoisonnement
du sang. Certains ne manquèrent pas d'affirmer qu'il avait été, en fait,
victime de la malédiction du pharaon.
La
pyramide, type de monument d'origine purement égyptienne, fut, au moins sous
l'Ancien Empire (env. 2700 à 2200 av. J.-C.),
essentiellement la tombe d'un roi et parfois d'une reine, les dimensions étant
en ce dernier cas beaucoup plus modestes. Près d'une quarantaine de pyramides
de rois de la IIIe à la XIIIe dynastie, période couvrant un millénaire, ont
été identifiées ou repérées. La forme pyramidale même est issue de celle
des grands monuments en gradins appelés par analogie «
pyramides à degrés », que l'on édifia sous la IIIe dynastie ;
celles-ci figuraient sans doute l'escalier que, dans les Textes des pyramides ,
il est demandé que l'on dresse afin de faciliter l'ascension de l'âme du roi décédé
vers son père Rê, le Soleil.
Le passage de la pyramide primitive à degrés à la pyramide véritable
s'effectua à l'avènement de Snéfrou, fondateur
de la IVe dynastie, lorsque l'architecte eut l'idée de matérialiser dans la
pierre le tracé triangulaire où s'inscrivait auparavant le profil à degrés
du monument. Cette forme nouvelle plus pure, rappelant celle du benben , la
pierre sacrée d'Héliopolis, pouvait aussi bien
permettre l'ascension de l'âme royale le long de ses pentes pointant
directement vers le ciel que les gigantesques degrés construits jusqu'alors.
Simultanément, un second symbolisme se superposa au premier : les théologiens,
comparant la forme triangulaire de la pyramide au large faisceau de rayons que
le soleil darde sous les nuées, virent en elle une pétrification de ces rayons
bénéfiques assurant désormais la protection de la tombe du roi.
La pyramide ne constituait pas en elle-même un tout ; elle était
la partie dominante d'un important complexe monumental comprenant en outre, au
moins dès la fin de la IIIe dynastie, deux temples reliés entre eux par une
chaussée privée, généralement couverte et ornée de bas-reliefs comme les
salles principales de ces temples : le temple haut, où se rendait le culte funéraire,
était disposé, en principe, sur la face orientale de la pyramide ; le temple
bas, où se faisait la réception des cortèges, se situait en lisière de la
vallée et comportait un bassin d'accostage pour les bateaux. Une enceinte
entourait la pyramide et, à partir de la Ve dynastie, en partie son temple
haut. Enfin, de très grandes barques de bois déposées dans des caveaux, ou
parfois des simulacres de barques en pierre analogues, pouvaient être réparties
à côté de l'enceinte ou de la chaussée.
L'origine du mot de pyramide est encore discutée entre les
partisans d'une racine égyptienne hellénisée et ceux d'une origine purement
grecque. Alors que dans les textes égyptiens la pyramide est toujours désignée
par le vocable mer , Hérodote emploiera le mot puramiv, qui désignait aussi un gâteau de miel et de
farine. Néanmoins, comme on trouve ce mot appliqué peu après à la figure géométrique
matérialisée par ces tombeaux, il semble plausible que les mathématiciens
grecs, qui, tel Pythagore, s'étaient rendus en Égypte
dès avant Hérodote, aient retenu pour nommer
aussi bien ces édifices que leur figure géométrique un terme revenant fréquemment
lorsqu'il en était question ; Maspero avait ainsi songé à celui de pr-m-ous , utilisé par
les géomètres égyptiens pour désigner l'une des lignes déterminantes de la
pyramide.