L'art 2

Trois continents, trois cultures, une histoire: Haïti.
écrit par Didier BLANCPAIN

La Rencontre des Trois Mondes de Rose-Marie Desruisseau est exceptionnelle à plus d'un titre : rarissimes sont les artistes qui édifient une oeuvre historique de si longue haleine (15 ans, 34 tableaux) et qui savent y injecter à chaque fois toute leur âme avec tout leur art, faisant de chaque pièce un ensemble.

La collection est une synthèse de l'art de Rose-Marie Desruisseau. Tous les thèmes, qui ont parcouru sa main, y sont présents : la Danse, le Sexe et leur union bachique, le Vaudou syncrétique (comme la croix et le poto mitan), mais aussi la recherche du volume dans le corps féminin. Pour une expression si variée, elle a puisé dans des styles et des références aussi divers que la sculpture de Maillol, le cubisme de Picasso ou les Primitifs haïtiens. Et ceci n'est pas une oeuvre de jeunesse qui se chercherait dans l'imitation des grands, mais l'entreprise de fin de carrière d'une artiste mature et consacrée qui, rongée par le cancer, lutte pour accoucher de la libération.

Ce long travail intime et universel prend la forme de l'histoire de la première colonie noire qui réussit à s'affranchir : son pays, Haïti. Tout en s'appliquant à la précision historique qui rend cette collection digne d'une édition pédagogique, Rose-Marie Desruisseau dépasse l'anecdote pour faire vibrer les passions qui parcourent chaque peuple asservi dans son combat pour la liberté. Car elle est des trois mondes :

Fille naturelle des indiens caraïbes, elle grandit au sein de la matrone congo. Pure haïtienne, elle s'est imprégnée de l'art occidental. Pure bourgeoise chrétienne, elle a marché vers le Vaudou

Rose-Marie Desruisseau n'est pas seulement universelle parce que, comme tout grand artiste, elle est profondément personnelle, mais parce que, comme tout métis, elle est accessible par chacune des cultures et ouvre les portes de l'autre.

Didier BLANCPAIN