Les gitans et d'autres minorités au demeurant si grandes ...

 

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Paroles, paroles

Je voudrais vous parler de petits livres bourrés de bonnes choses. Légers, de taille peu épaisse, mais lourds de leur contenu de mots, et qui tiennent plus de place dans la mémoire et la tête de leurs lecteurs chanceux que sur les rayonnages où ils attendront qu'on leur fasse visite.

Au catalogue déjà riche de ces propos agencés en recueils, on pêchera au hasard des titres des Paroles indiennes, ou des Paroles aborigènes, des Paroles de troubadours, des Paroles des romantiques et des Paroles de Touaregs, des Paroles celtes, ou encore des Paroles d'espoir, des Paroles de révolte, des Paroles de paresse, des Paroles de fraternité, des Paroles de gourmandise.

Paroles de Gitans propose un choix de textes présentés et recueillis par Alice Becker-Ho, qui s'ouvre sur ces mots de Pedro Amaya :

" Parce que je suis né gitan, de la tête aux pieds, le monde est ma maison, le ciel est mon toit, la terre est mon sol ; parce que je suis né gitan, j'ai de quoi parler. "

Se poursuit par ce formidable dicton :

" Ne saute pas hors de ton ombre. "

 Et puis ceci :

" Tu vas partout disant que je suis tienne, quelles chaînes as-tu forgées pour être si sûr de toi ? "

 Les paroles coulent et se heurtent et rebondissent " Nous ne savons plus rêver et nous commençons déjà à trahir l'envie de mourir. "

 

Salut à toi ô mon frère


Salut à toi Peuple Khmer
Salut à toi l'Algérien
Salut à toi le Tunisien
Salut à toi Bangla Desh
Salut à toi Peuple Grec
Salut à toi petit Indien
Salut à toi punk Iranien

Salut à toi rebelle Afghan
Salut à toi le dissident
Salut à toi le Chilien
Salut à toi le p'tit Malien
Salut à toi le Mohican
Salut à toi Peuple Gitan
Salut à toi l'Ethiopien
Salut à toi le tchadien

Salut à vous les Partisans
Salut à toi "cholie all'mante"
Salut à toi le Vietnamien
Salut à toi le Cambodgien
Salut à toi le Japonais
Salut à toi l'Thaïlandais
Salut à toi le Laotien
Salut à toi le Coréen

Salut à toi le Polonais
Salut à toi l'Irlandais
Salut à toi l'Européen
Salut à toi le Mongolien
Salut à toi le Hollandais
Salut à toi le Portugais
Salut à toi le Mexicain
Salut à toi le Marocain

Salut à toi le Libanais
Salut à toi l'Pakinstanais
Salut à toi le Philippin
Salut à toi l'Jamaïcan
Salut à toi le Guyanais
Salut à toi le Togolais
Salut à toi le Guinéen
Salut à toi le Guadeloupéen

Salut à toi le Congolais
Salut à toi le Sénégalais
Salut à toi l'Afro-cubain
Salut à toi l'Porto-ricain
Salut à toi la Haute Volta
Salut à toi le Nigéria
Salut à toi le Gaboni
Salut à toi le vieux chtimi

Salut à toi Che Guevara
Salut aux comités d'soldats
Salut à tous les hommes libres
Salut à tous les apatrides
Salut à toi la Bertaga
Salut aussi à la Banda
Salut à toi punk anarchiste
Salut à toi skin communiste

Salut à toi le Libéria
Salut à toi le Sri Lanka
Salut à toi le sandiniste
Salut à toi l'unijambiste
Salut l'mouv'ment des Jeunes Arabes
Salut à toi Guatemala
Salut l'P4 du contingent
Salut à toi le Shotokan

Salut à toi peuple kanak
Salut à toi l'tchécoslovaque
Salut à tous les p'tits dragons
Salut à toi qui est keupon
Salut à toi jeune Malgache
Salut à toi le Peuple Basque
Salut à toi qu'est au violon
Salut à toi et mort aux cons

Salut à toi le Yougoslave
Salut à toi le voyou Slave
Salut à toi le Salvador
Salut à toi le Molodoï
Salut à toi le Chinois
Salut à toi le Zaïrois
Salut à toi l'Espagnol
Salut à toi le Ravachol

Salut à toi le Hongrois
Salut à toi l'Iroquois
Salut aussi à tous les gosses
Des îles Maudites jusqu'à l'Ecosse
Salut à vous tous les zazous
Salut à la jeune garde rouge
Salut à toi le Peuple Corse
Salut aux filles du Crazy Horse

Salut à toi la vache qui rit
Salut à Laurel et Hardy
Salut à toi peuple nomade
Salut à tous les "camawades"
Salut à toutes les mères qui gueulent
Salut aussi à Yul Brunner
Salut à toi l'handicapé
Salut Jeunesse du monde entier

Salut à toi le dromadaire
Salut à toi Tonton Albert
Salut à toi qu'est à la masse
Salut aussi à Fantomas
Salut à toi Roger des près
Salut à toi l'endimanché


Salut à tous les paysans
Salut aussi à Rantanplan

Bérurier Noir

 

 

Message d'amour même en temps de guerre


Alors que certains attisent les passions
Moi j'rappe pour les Noirs, les Arabes et les Blancs
Sache que je suis pas de ceux qu'effraye la différence
Ta couleur de peau pour moi ne fait aucune différence
Y a pas de couleur pour aimer, pas de couleur pour souffrir
Pas une couleur qui t'empêche de mourir
Pas une couleur pour s'aimer, pas une couleur pour sourire
Pas une couleur pour pleurer (tu le sais)
Dans nos différences nous sommes liés
Nos apparences ne sont pas toujours le reflet
de ce que contiennent nos cœurs et c'est ce qui importe
Y a pas de couleur pour que la mort t'emporte
Y a pas de couleur pour tricher, pas d'couleur pour tromper
Pas de couleur pour blesser ou tuer
Pas une couleur qui t'immunise contre la douleur
Pas une couleur qui te rende supérieur (sache-le!)

Ma sœur y a pas d'couleur pour pleurer
Tu vois mon frère, y a pas d'couleur pour aimer
Pas d'couleur pour souffrir
Pas d'couleur pour sourire
Y a pas d'couleur pour pleurer

Y a pas de couleur pour être stupide, ignorant, raciste et borné
Pas une couleur attitrée à l'absurdité
Pas une couleur qui prouve ton intelligence
Pas une couleur qui témoigne de ta tolérance
Pas une couleur qui t'empêche de te sentir seul
Foudroyé, rescapé d'un amour manqué
Pas une couleur qui t'abrite de la pauvreté
Pas une couleur qui garantisse ton honnêteté
Pas une couleur qui te protège de l'erreur, frère
Pas une couleur qui te protège de la peur, sœur
Pas une couleur qui t'innocente de toute injustice
Aucune couleur ne garantit ta réussite
J'connais les méfaits du racisme et ce qu'ils provoquent
Quand l'exclusion devient rage, arrive le choc
Même en temps de guerre alors que la paix agonise
J'réanime l'amour dont l'absence m'épuise

Y a pas d'couleur pour pleurer
Pas d'couleur pour aimer
Message d'amour même en temps de guerre

Y a pas d'couleur pour pleurer
J'dis qu'il n'y a pas d'couleur pour aimer
Message d'amour même en temps de guerre
Moi j'rappe pour les Noirs, les Arabes et les Blancs

Kery James

 

Quand

quand ils sont venu chercher les communistes
je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste

quand ils sont venu chercher les syndicalistes
je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste

quand ils sont venu chercher les communistes
je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste

quand ils sont venu chercher les juifs
je n'ai rien dit, je n'étais pas juif

quand ils sont venu chercher les catholiques
je n'ai rien dit, je n'étais pas catholique

puis ils sont venus me chercher
et il ne restait plus personne pour protester

J'suis pas là pour leur dire ce qu'ils veulent entendre

(écrit à Dachau, attribué à Martin Niemöller)

 

Le gitan

Les gendarmes ont amené un gitan de seize ans. Assis en face de moi, il n'avait rien à me dire et moi, pas de questions à lui poser. Il était un parmi les bohémiens des roulottes, des remparts, des baraques, des routes. Amené là, extirpé provisoirement. Pourquoi celui là ? Il a envie de dormir. Il a au moins deux jours de commissariat. Il est beaucoup plus beau que moi. J'essaie d'écouter ce que murmure sa viande. Elle est muette ou je suis sourd. La porte du bureau est ouverte. Une vieille gitane est entrée, s'est accroupie près du garçon. Elle a sorti d'un sac une assiette pleine de nouilles, trois pains et de la bière. Personne ne l'a vue entrer. Elle a dû franchir le mur, se glisser dans les couloirs où les gosses vont et viennent sans frôler le fil d'un regard. Il mange: elle ronronne en gitan. Je pense qu'elle le suit à la trace depuis trois jours, écartée de lui par les barreaux et les uniformes. Elle me regarde furtivement. Je suis assis derrière mon bureau et je suis aussi inerte que le bois de table, de toutes mes forces. Je suis content de ne pas être rasé depuis trois jours. Toute la tribu va rentrer si j'arrive à concentrer toute ma discrétion. J'ai dû bouger. La gitane, à genoux, près de moi:
« Pas méchant, monsieur, pas méchant... »
Qui est ce qui n'est pas méchant ? Lui ? Moi ?
Elle lui a laissé le pain sur les genoux. Ses mains ont esquissé trois amples caresses qui n'ont pas osé toucher le garçon. Depuis que le gitan est arrivé, le Centre est encore plus pauvre qu’avant. Il manque une guitare et une roulotte dans le parc.

Fernand Deligny

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