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Les anciens, pour représenter, par un objet physique, la force régénératrice du soleil au printemps, et l’action de cette force sur tous les êtres de la nature, adoptèrent le simulacre de la masculinité, que les Grecs nommaient Phallus.
Ce simulacre, quoiqu’il paraisse indécent à la plupart des modernes, ne l’était point dans l’antiquité ; sa vue ne réveillait aucune idée obscène : on la vénérait, au contraire, comme un des objets les plus sacrés du culte.
Le culte du simulacre de la masculinité se répandit sur une grande partie du globe. Il a fleuri longtemps en Égypte, en Syrie, en Perse, dans l’Asie Mineure, en Grèce, en Italie, etc. Il était et il est encore en vigueur dans l’Inde et dans quelques parties de l’Afrique. Il s’est même propagé jusqu’en Amérique. Lorsque les Espagnols firent la découverte de cette partie du monde, ils trouvèrent ce culte établi chez les Mexicains. Ce qui surprendra davantage, il s’est conservé presque jusqu’à nos jours chez les chrétiens de l’Europe. Au XVIe siècle, il existait en France on en retrouve encore aujourd’hui des traces dans quelques parties de l’Italie.
Un culte qui nous paraît si étrange, un culte si universellement répandu malgré l’indécence actuelle de son objet, mérite bien qu’on s’en occupe, qu’on recherche son origine, ses causes, son état chez différents peuples, les variations qu’il y a éprouvées, son influence sur les mœurs, ses abus. L’histoire de l’homme se compose en grande partie de ses erreurs, de sa folie, de ses crimes ; et c’est même du tableau exact qu’elle en offre, que ressortent ses plus efficaces leçons. On peut donc, sans rougir, rechercher l’origine, faire l’histoire et blâmer les abus d’un culte dont l’objet primitif tendait, non à rompre, mais à fortifier le lien des sociétés, à les conserver, à les accroître.
Des écrivains anciens et modernes ont parlé du Phallus, sans rien dire de l’origine de son culte. Quelques-uns de ces derniers, plus zélés moralistes qu’habiles dans l’art de scruter l’antiquité, en s’épargnant beaucoup de recherches et de méditations, ont tout simplement attribué cette origine à la corruption et au libertinage de certains peuples.
Quand même je n’aurais pas réuni des preuves contraires à cette opinion, la raison me la ferait rejeter. Jamais les institutions religieuses n’ont eu, dans leur commencement, la dépravation des mœurs pour motif. II faut donc chercher ailleurs cette origine.
Je crois l’avoir trouvée dans le culte des astres, ou la religion du sabéisme : ainsi, on peut dire que le Phallus est d’origine céleste.
Pour établir cette origine, je dois remonter aux époques où la religion astronomique commença à faire de grands progrès.
Il y a environ quatre mille cinq cents ans que le soleil, par l’effet d’un troisième mouvement de la terre, d’où résulte la précession des équinoxes, aborda à l’équinoxe du printemps, dans le signe du zodiaque appelé le Taureau.
Le signe de la constellation céleste qui portait ce nom, représenté sur les zodiaques artificiels, fut considéré comme le symbole du soleil printanier, du soleil régénérateur de la nature.
L’équinoxe du printemps est l’époque la plus aimable, la plus attrayante de l’année ; nulle autre ne procure des émotions plus vives et plus douces : triomphant des frimas et des longues nuits, le soleil, plus élevé sur l’horizon, prolonge la durée des jours, répand sur la terre sa chaleur fécondante, en pénètre les végétaux, les animaux, ressuscite la nature, et sème partout la vie, la verdure, l’espérance, les fleurs et les amours.
Cette époque si intéressante, et les bienfaits nombreux du soleil printanier, furent vivement sentis par tous les peuples admirateurs de cet astre. Aussi la célébrèrent-ils par des fêtes joyeuses, renouvelées à chaque retour du printemps. Les prêtres de ce culte instituèrent cette solennité, et la revêtirent du prestige imposant de la religion ; et, malgré la différence des climats, des peuples, malgré les altérations nombreuses qu’a éprouvé le culte antique des astres, malgré les ravages des siècles, les fêtes printanières se sont maintenues jusqu’à nos jours.
La reconnaissance populaire, et les hommages rendus au dieu du jour, au soleil ramenant le printemps, se dirigèrent naturellement vers un objet plus à la portée des sens, vers le signe du zodiaque qui en était le symbole, vers le signe du Taureau qui, participant en quelque sorte à l’action du soleil régénérateur, fut à cet égard identifié à cet astre : on lui en attribua les vertus, la puissance, les bienfaits ; on lui en décerna les honneurs. Ce signe balança l’objet signifié, devint un dieu, et des représentations du taureau céleste furent adorées.
L’enthousiasme religieux pour ce signe de l’équinoxe du printemps se porta plus loin encore ; on adora non seulement les représentations du taureau zodiacal, mais un taureau vivant obtint ensuite les honneurs divins. Telle est la marche de l’esprit humain ; une fois engagé dans la carrière de l’erreur et des superstitions, il s’y avance et ne rétrograde jamais : une erreur admise appelle alors une autre erreur à son secours.
C’est ainsi que le taureau, signe tracé, peint ou sculpté sur les zodiaques artificiels, fut identifié au soleil du printemps, devint taureau-soleil, et, métamorphosé en taureau vivant, fut adoré comme un dieu. Je dirai sous quels noms il fut adoré, l’espèce de culte qu’on lui rendait, et je rapporterai les témoignages des écrivains de l’antiquité, qui constatent que du signe zodiacal du taureau, sont dérivés les taureaux, vaches ou bœufs adorés par les partisans du culte des astres, et notamment par les Égyptiens [1] .
Dans la même division du zodiaque où se trouve le taureau, est, tout près de ce dernier, une autre constellation appelée le Cocher céleste ou le Chevrier. Elle est aujourd’hui représentée par un homme à pieds de bouc, portant la chèvre et les chevreaux. Ce signe n’était à son origine qu’une figure de bouc.
Les mêmes causes qui élevèrent le signe du Taureau au rang des dieux, procurèrent un pareil honneur au signe du Bouc. Ces deux signes indiquaient également le retour du printemps : ils eurent le même sort, portèrent le même nom ; mais ils furent adorés dans des villes différentes. Ainsi, le soleil printanier eut pour emblème deux animaux vivants. Le bouc sacré était adoré sous le nom de Pan à Mendès, ville qui, ainsi que le Nome mendésien, doit son nom à cette divinité animale ; car Mendès signifie bouc. « Le bouc ou le dieu Pan, dit Hérodote, s’appelle Mendès en égyptien [2] . » Il en est de même de la ville de Thmuis ou Chemnis, où le culte du bouc fut en vigueur. Saint Jérôme nous apprend que ce mot signifie bouc. L’Arcadie, et même l’Italie, mirent ce bouc au rang des grands dieux, et le nommèrent Pan. Le taureau et le bouc sacrés portaient souvent le même nom : cette conformité nouvelle est attestée par Plutarque, qui dit formellement que les Égyptiens donnaient au bouc de Mendès le nom d’Apis [3] .
Il est certain que ces deux animaux vivants, le bouc-dieu et le taureau-dieu, avaient une même extraction et descendaient de la même division zodiacale où leurs signes étaient réunis.
Jamblique dit que le système des anciens était de représenter le soleil sous les formes des animaux qui occupent les signes du zodiaque [4] .
Lucien, dans son traité sur l’astrologie, s’explique avec plus de précision : il dit, en parlant du taureau Apis, objet de la vénération des Égyptiens, que s’ils adorent cet animal, c’est pour honorer le taureau céleste ou le taureau du zodiaque ; et il ajoute que le culte d’Ammon, dieu à tête de bélier, doit son origine au bélier céleste et à la connaissance de ce signe du zodiaques.
Ainsi, les animaux adorés en Égypte étaient les emblèmes vivants des animaux figurés dans le zodiaque [5] .
C’est de ces deux animaux adorés qui ont tant de rapports, de ces deux divinités de la même fabrique : c’est du taureau sacré appelé Apis, et du bouc sacré appelé également Apis, qu’est dérivé le culte du Phallus, qu’on a aussi appelé Priape. C’est le simulacre de leurs parties génitales, et non de celles de l’homme, comme on l’a cru généralement, qui est devenu un objet de culte.
Je trouve de grands rapports entre le nom Apis, donné à ces deux animaux sacrés, et le nom de Priape ou Priapis, qu’a porté le Phallus isolé ou adhérent à un Hermès.
Apis, suivant les plus habiles étymologistes, signifie haut, élevé, puissant, ou ce mot est le même qu’ab, abis, dont on a fait ap, apis qui, dans les langues orientales, exprime père, chef, maître. Dans l’un et l’autre cas, Αpis serait une qualification honorable donnée au soleil.
Quant à la syllabe pri ou pré, elle signifie dans les mêmes langues, principe, production, source première ; ainsi le mot Prίape, Priapis, pourrait être traduit par principe de reproduction ou de fécondation d’Apis.
Cette étymologie, que me fournit le savant Court de Gebelin, quoiqu’elle soit très vraisemblable et conforme au génie des langues orientales, serait une faible preuve, si elle n’était fortifiée par plusieurs autres plus décisives.
Il est prouvé, par un grand nombre de monuments antiques, que c’était un usage adopté de rendre un culte aux parties séparées d’un animal sacré, d’en former des simulacres, de les adorer isolément, ou de les appliquer à des troncs d’arbres, à des colonnes ou pierres de bornes, appelés chez les Grecs hermès, ou bien, lorsque les figures humaines furent introduites dans la religion, de leur adjoindre différentes parties de ces animaux sacrés.
C’est ainsi que le Jupiter Ammon eut les cornes du bélier, que Pan eut les jambes et les pieds du bouc, et quelquefois ses oreilles et ses cornes ; c’est ainsi que Bacchus, dieu-soleil, fut souvent représenté avec la tête du taureau céleste, ou seulement avec ses cornes, et quelquefois avec ses pieds. C’est pourquoi ce dieu était souvent nommé, par les Grecs et par les Romains, Bacchus Taurocorne ou Tauriforme. Ces figures étaient monstrueuses ; mais cette monstruosité avait un motif mystérieux, et sans elle, l’idole n’aurait signifié qu’un homme.
Les anciens étaient persuadés que ces parties, ajoutées à un tronc d’arbre, à une pierre limitante, à un hermès, à une figure humaine, non seulement donnaient un caractère divin à ces différents objets, mais encore leur communiquaient une vertu sublime, une influence semblable à celle que l’on attribuait à l’animal sacré dont elles étaient un extrait, et à la constellation et à l’astre dont elles étaient l’emblème.
Les cornes furent prises pour le symbole de la force active du soleil ; aussi les dieux-soleil, tels que Bacchus, Harpocrates, et Achélous, son fils, étaient-ils représentés avec le front décoré des cornes du taureau ; ou bien on se bornait à mettre dans la main de ce dernier une corne de cet animal qui indiquait son extraction du taureau céleste ; corne dont les poètes et les sculpteurs, se conformant à l’idée de fécondité et de force attachée à cet attribut du soleil régénérateur, firent la corne d’abondance. Par suite de ce principe, et pour donner un caractère de force et de domination aux objets qu’ils représentaient, ils placèrent des cornes sur le front de plusieurs divinités, sur celui des fleuves, des demi-dieux, et même des héros de l’antiquité.
D’après ces exemples, il ne doit pas sembler étrange de voir les parties sexuelles du taureau et du bouc sacrés obtenir les mêmes honneurs que leurs pieds, leur tête ou leurs cornes, puisque ces parties exprimaient d’une manière particulière et très énergique, à l’esprit et aux yeux, la force régénératrice, la source de fécondité attribuée au soleil du printemps et à ces animaux qui en étaient les emblèmes.
Un autre fait ajoute un nouveau degré de vraisemblance à mon opinion ; c’est l’importance qu’attachaient les prêtres égyptiens à la partie génitale du taureau Apis [6] .
Lorsque cet animal-dieu était mort, les prêtres lui choisissaient, avec beaucoup de soins et de cérémonies, un digne successeur. Parmi les caractères qui devaient, aux yeux du peuple, signaler sa divinité, le volume de la partie sexuelle du nouvel élu était très recommandé. Porphyre dit que le taureau choisi pour remplir le rôle de dieu à Héliopolis, avait les parties de la génération d’un volume extraordinaire, afin de mieux désigner la force générative que le soleil exerce sur la nature par sa chaleur, dont le propre est de développer la faculté fécondante. Ammien Marcellin dit aussi que le taureau adoré à Memphis avait des signes évidents de sa faculté générative [7] .
Le Phallus, dans son origine, était isolé et n’adhérait point à un corps humain. Cette adhésion n’eut lieu que longtemps après, lorsque le culte des figures humaines eut fait des progrès. Il paraît même qu’à l’époque où les Grecs reçurent des Égyptiens le Phallus, il n’adhérait à aucun corps, et que les Grecs, même du temps d’Hérodote, n’avaient point encore adopté cette réunion. Cet historien, en décrivant les cérémonies de ce culte, qu’on célébrait en Égypte, semble s’étonner de ce qu’on avait réuni au Phallus une petite figure humaine. « Ils ont inventé, dit-il, des figures humaines d’une coudée de haut, auxquelles est adjointe la partie génitale, presque aussi grande que le reste du corps [8] . »
Je tire de ce fait une nouvelle preuve de mon opinion. Si le Phallus avait appartenu au corps humain, il y aurait adhéré dès l’origine de cette institution, et l’on voit qu’il y eut un temps en Égypte où il était absolument isolé, et que les Grecs, qui tenaient ce culte des Égyptiens, avaient maintenu son isolement.
Le récit d’Hérodote prouve que le Phallus réuni à une figure humaine, était d’une grandeur disproportionnée à cette figure. Il connaît la cause mystérieuse de cette disproportion ; mais, par un motif de religion, il ne veut pas la publier. Après avoir dit que cette figure humaine d’une coudée de haut était munie d’un Phallus presque aussi grand que le reste du corps, et que des femmes en procession portaient plusieurs de ces figures dans les bourgs et villages, en faisant mouvoir le Phallus par le moyen d’une corde, il ajoute : « Mais pourquoi ces figures ont-elles le membre génital d’une grandeur si peu proportionnée ? et pourquoi ces femmes ne remuent-elles que cette partie ? On en donne une raison sainte ; mais je ne dois pas la rapporter [9] . »
Cette réserve d’Hérodote annonce qu’il était initié aux mystères du Phallus ; qu’il en connaissait l’origine, mais qu’il ne pouvait la divulguer. Il paraît que la figure humaine à laquelle on adjoignait le Phallus était un accessoire fort indifférent, que les prêtres avaient imaginé pour donner le change et cacher aux yeux du vulgaire la véritable origine de ce culte.
La grandeur disproportionnée du Phallus annonce assez qu’il n’appartenait pas à la figure humaine à laquelle il adhérait. D’ailleurs, cette disproportion était un mystère ; et si le Phallus avait appartenu à la figure humaine, la chose eût été simple ; Hérodote n’aurait pu y trouver rien de mystérieux.
Cette disproportion dont la cause était cachée, la convenance de la longueur de ce Phallus avec la partie sexuelle du taureau, sont de nouveaux traits de lumière qui, réunis aux lumières déjà produites, éclairent l’origine ténébreuse du Phallus et concourent à prouver que cet objet du culte était le simulacre de la partie génitale du taureau Apis.
Mais des preuves plus positives vont éloigner les moindres doutes qui pourraient s’élever contre cette vérité.
J’ai parlé de l’affinité qui se trouve entre la divinité taureau et la divinité bouc ; j’ai dit que l’une et l’autre ont la même origine, ont porté le même nom, et doivent leur extraction à la même division zodiacale qui marquait l’équinoxe du printemps ; que tous les deux sont les emblèmes adorés du soleil régénérateur et fécondant la nature. De l’identité des motifs de leur culte, il doit résulter des conséquences communes. Je pourrais donc conclure que l’origine bien constatée du Phallus-bouc fait établir suffisamment celle du Phallus-taureau. L’origine du premier est attestée par un historien grave et profondément instruit en mythologie, qui déclare, d’une manière précise, que le simulacre de la partie génitale du bouc a été adoré comme l’emblème de la nature qui donne naissance à tous les êtres. Voici le passage : « Le bouc, dit-il, à cause de son membre génital, mérita, chez les Égyptiens, d’être placé au rang des dieux, par la même raison que les Grecs rendent à Priape les honneurs divins. Cet animal étant fort enclin aux actes de Vénus, on jugea que le membre de son corps qui est l’instrument de la génération, méritait d’être adoré, parce que c’est par lui que la nature donne naissance à tous les êtres [10] . » Le même auteur ajoute immédiatement : « Enfin, ce n’est pas seulement les Égyptiens, mais un grand nombre d’autres peuples, qui rendent un culte au signe du sexe masculin, et l’emploient comme un objet sacré dans les cérémonies des mystères, parce que c’est d’eux que provient la génération des animaux. »
Ce membre adoré, cet instrument de la génération du bouc, ce signe du sexe masculin qui figurait dans les cérémonies des mystères d’un grand nombre de peuples, ne pouvaient pas être la partie vivante du bouc sacré, mais son simulacre ou son image, et ces simulacres ou images étaient des Phallus ; donc, il y eut des Phallus qui furent les images de la partie génitale du bouc sacré, adoré à Mendès et à Chemnis.
Il est donc reconnu que ce ne sont point des hommes, mais deux animaux adorés qui ont fourni le modèle du Phallus et le type de son culte.
Cette vérité, jusqu’ici inconnue, acquerra dans la suite de cet ouvrage de nouveaux degrés d’évidence.
On attribua à ce simulacre isolé la même vertu qu’on attribuait au soleil printanier ; on attribua au signe la même influence sur toute la nature qu’avait l’objet signifié.
On crut, et cette opinion est émise par le philosophe Jamblique, que partout où se trouvaient placés des Phallus, ils amenaient l’abondance et la fécondité, et détournaient les accidents qui leur sont contraires. Cet emblème sacré reçut différents noms, suivant le langage des peuples où il fut adoré, suivant l’usage auquel on le destinait, et suivant l’objet auquel il fut appliqué et réuni. Appelé Phallus, Priape ou Priapis chez les Égyptiens, les Phéniciens, les Grecs, il porta aussi le nom de Tutunus, de Mutinus, de Bascinum chez les Romains ; il est nommé Lingam chez les Indiens. Mais quelles que soient sa dénomination et la différence. de son culte chez diverses nations, toujours les motifs de ce culte se rapportent à l’action fécondante du soleil du printemps ; le plus souvent, il se trouve réuni et même quelquefois confondu avec le culte de cet astre.
On verra que le Phallus a joué un rôle important dans l’histoire religieuse de l’antiquité, qu’il a donné naissance à différentes divinités, et qu’il a servi à caractériser plusieurs autres. De nombreux emplois de cet objet du culte ont fort embarrassé les mythographes qui, s’attachant toujours aux fables mythologiques, et cherchant la vérité dans le mensonge, n’ont donné à cet égard aucune explication satisfaisante et n’ont point dissipé le nuage qui cachait son origine.
Les fables mythologiques ne sont pas toutes des allégories, comme on le pense. Elles ne furent composées que longtemps après la naissance de l’idolâtrie, c’est-à-dire dans un temps où le motif originel des différents cultes était effacé de la mémoire des hommes. La forme des idoles des dieux, les emblèmes et les attributs qui les accompagnaient, servirent de texte à ces récits fabuleux. L’usage s’était établi de composer des légendes pour les hommes divinisés ; à cet exemple, les prêtres en composèrent pour les dieux du ciel. Dans ces légendes, ils s’attachèrent à rendre raison de la forme des idoles, de leurs emblèmes et de leurs attributs. Chaque peuple fit sa fable sur la même divinité. On verra que les différentes légendes composées pour donner au vulgaire le motif de l’adoration du Phallus et du Priape, ne renferment absolument aucun sens allégorique, si ce n’est celui qui exprime la naissance de son culte à Lampsaque.
[1] Les taureaux, les bœufs, les vaches jouent un grand rôle dans la mythologie, comme emblèmes du soleil réparateur et régénérateur. Plusieurs taureaux étaient adorés en Égypte sous des noms différents. Le taureau Apis, le plus célèbre de tous, l’était à Memphis ; le taureau Mnevis, à Héliopolis ; le taureau Onuphis ou Bacis l’était, suivant Macrobe, à Hermuntis, ville de la haute Égypte. Chez les Grecs, on trouve le taureau de Cadmus, dont Jupiter prit la forme pour enlever Europe ; le taureau de Marathon, dompté par Hercule, et dont Pasiphaé devint amoureuse, etc. Les Hébreux empruntèrent des Égyptiens le veau d’or, détruit par Moïse, ainsi que le veau de Samarie, contre lequel déclame le prophète Osée (chap. III et XV). Les Romains eurent leur taureau expiateur, réparateur, qu’ils égorgeaient dans les sacrifices appelés tauroboles, et dont le sang effaçait les péchés de ceux sur lesquels il était répandu. Les monuments symboliques du dieu-soleil Mithra offrent un taureau dont le sang est versé pour le même objet.
Les Cimbres, les Teutons avaient leur bœuf sacré, sur lequel ils prononçaient leur serment ; les Scandinaves adoraient le Thor ou taureau, dont l’idole existait à Upsal dans le temple du Soleil. Le taureau est adoré au Japon, à Méaco. Les rabbins parlent d’un bœuf gigantesque appelé Béhémoth, réservé pour le festin du Messie, etc.
Les vaches furent presque autant honorées que les taureaux. Io fut changée en vache par Jupiter, qui en devint amoureux. lphianasse fut également métamorphosée en vache par l’effet de la jalousie de ses sœurs. Les Hébreux sacrifiaient et faisaient brûler la vache russe, dont les cendres, mêlées avec de l’eau, servaient aux expiations. Chez les Indiens, les cendres de la bouse de vache sont également employées pour les expiations. Ces peuples ont pour précepte d’aimer les vaches et les brahmanes.
[2] Hérodote, Euterpe, liv. II, p. 41
[3] Plutarque, Traité d’Isis et d’Osiris, vers la fin.
[4] Jamblique, De Mysteriis, chap. XVII, sec. 1.
[5] Lucien, Astrologie, T. IV, ρ. 65 de la dernière traduction de ses oeuvres (1788)
[6] On dit vulgairement le bœuf Apis ; mais, autorisé par l’histoire, et surtout par l’opinion du savant de Caylus, je dirai le taureau Apis. « Je suis résolu, dit ce célèbre antiquaire, de ne point donner de fausses idées, et de dire toujours le taureau. » (Recueil d’antiquités, t. III, p. 28.)
[7] Eusèbe, Preparat. évangel., L. III, chap. XIII Amm. Marcell, L. XXII, p. 245, et Dupuis, Origine de tous les Cultes, t. II, p. 114.
[8] Hérodote, Euterpe, L. II, p. 42.
[9] Hérodote, 1. ΙΙ.
[10] Diodore de Sicile, 1. Ι, sect. 88.
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